J’ai testé… le « mindful eating » ou comment manger en pleine conscience!
Entre les régimes et les sandwichs avalés sur un coin de bureau, difficile de maintenir une relation sereine à la nourriture. Et si la solution résidait dans le « mindful eating » ou l’alimentation consciente ? J’ai testé une séance…
C’était un mercredi printanier, avant la Covid 19, je m’étais rendue au Bar à méditation à Paris -qui n’existe plus !-pour un petit-déjeuner en pleine conscience avec Géraldine Desindes, instructrice « mindful Eating ». Rappelons que la pleine conscience trouve sa source dans les pratiques méditatives. L’idée ? Plutôt que d’avaler de façon mécanique, on porte pleinement attention à sa nourriture, dans l’instant présent ; mais aussi aux besoins (nutritifs, émotionnels…) qu’elle vient –ou non- combler… Voici mon expérience…
Se traiter en invité·e…
Au 1er étage d’un immeuble parisien, dans une salle lumineuse, je m’installe sur un fauteuil, une couverture douce sur les genoux. Devant moi, une table basse où Géraldine a joliment disposé des croissants frais dans des assiettes, et 2 tasses de thé vert. « Lorsque l’on mange, il est important de se traiter en invité·e, même si on est seul·e », souligne-t-elle. Puis la coach m’invite à me détendre : à poser les pieds bien à plat sur le sol, le dos droit sans raideur, les mains posées sur les cuisses. Je décrispe mes épaules, ma nuque, mes mâchoires, et prends conscience des zones de tension ici et là ; je respire en les visualisant, sans chercher à modifier les choses…
La faim, oui mais quelles faims ?
Géraldine me propose alors d’interroger l’intensité de ma faim « globale », de l’évaluer sur une échelle de 0 (pas faim du tout) à 10 (très faim). L’objectif ? Préparer des portions en conséquence, quitte à réestimer mon appétit au cours du repas. Il est 11h, j’ai déjà mangé ce matin et n’ai pas encore très faim ; alors un 5 s’impose à mon esprit et je me contente de préparer dans mon assiette une grosse moitié de croissant. Puis j’observe ma viennoiserie « pour évaluer l’intensité de la « faim des yeux » : j’apprécie ses nuances mordorées, les parties grillées plus sombres… et note mentalement un 7. Place ensuite à « la faim du nez » : j’hume mon croissant, son odeur de beurre… Je salive, et mon appétit olfactif monte encore d’un cran. « Et la faim de l’oreille ? », interroge Géraldine en effritant son croissant… Je l’imite… mais mon estomac y reste indifférent. Enfin, je dois appréhender la « faim du toucher », tellement taboue dans notre société », souligne Géraldine ; je palpe mon croissant, découvre les zones rugueuses de sa croûte qui contrastent avec la douceur un peu grasse de la pâte feuilletée à l’intérieur… Là encore je salive, ce qui vaut bien un 7 !
La première bouchée…
Mon cerveau ainsi nourri d’informations -« ce qui évite de se jeter sur la nourriture et d’avaler tout rond », précise l’instructrice !-, je porte un premier morceau de croissant à ma bouche… sans le mâcher. Il colle à mon palais, puis se ramollit tout en exhalant un parfum de noisette et de vanille que j’identifie pour la première fois. Aux premiers coups de dents, il fond, et je l’avale sous une forme presque liquide. Je suis sur le point de me resservir quand Géraldine me demande « d’évaluer la « faim de la bouche », dotée d’une énorme sensibilité ». Effectivement, je lui attribue un 9 sans hésiter. « Veillez à ce que votre bouche soit complètement vide – avec ma langue, je déloge les miettes qui se sont glissées ici et là – pour interroger la « faim de l’estomac », poursuit-elle. Est-il entièrement vide, plein, à moitié plein ? Souvent on ne le ressent que lorsqu’il est trop plein, et douloureux… » J’estime que le mien ne crie pas famine, et évalue sa « faim » à 4. Tiens, ma bouche se montre plus affamée que mon estomac…
La raison du cœur…
« Questionnez maintenant la « faim du corps », propose Géraldine : celle de vos cellules, qui correspond aux besoins actuels de votre organisme en nutriments, minéraux, vitamines… ». Je convoque mentalement ma forme physique en cette fin de matinée, et découvre avec étonnement que j’ai envie de viande rouge (j’en mange rarement)… et absolument pas d’un croissant ! « Et qu’en est-il de la « faim de l’esprit », c’est à dire des réflexions que vous inspirent cet aliment ? ». Là encore, mon croissant manque cruellement d’attrait : m’évoque acides gras saturés, calories « vides », maladies cardiovasculaires… « Enfin, quelle est votre « faim du cœur », celle des émotions ? » Après quelques secondes de réflexion, ce sont les dîners des dimanches soir de mon enfance, composés de brioches et de croissants, qui refont surface… et font grimper en flèche ma « faim du cœur » ! Réjouie par ce souvenir inattendu, je bois une gorgée de thé au goût légèrement iodé ; sa chaleur m’enveloppe, accentuant ma sensation de bien-être…
A satiété…
Géraldine et moi continuons à manger en silence. Spontanément, je mâche plus lentement que d’habitude, me montre attentive au goût, aux textures. Une bouchée avalée, je repère la pulsion qui me pousse à en reprendre aussitôt une autre ; je décide de prendre mon temps, me reconnecte aux saveurs de noisette qui s’éternisent dans ma bouche ; la pulsion passe et c’est avec une vraie décision –et satisfaction !- que je mange à nouveau… Je continue ainsi jusqu’à ce que mon assiette et -ma tasse de thé- soient vides. Cela tombe bien : mon estomac me semble « agréablement rempli » ; je pourrais manger davantage mais n’ai pas réellement faim.
Epilogue…
« Quelle est votre satisfaction générale ? », s’enquiert Géraldine. Je réponds que je me sens sereine. Peut-être parce qu’en décodant les « appétits » que ce croissant est venu comblé -ou pas-, j’ai le sentiment de m’être nourrie avec une belle acuité. Et puis c’est bien la première fois que je me contente d’une moitié de croissant sans me sentir frustrée ! Enfin, ainsi ramenée à mes sensations, j’ai totalement déconnecté de mes préoccupations quotidiennes. « Pour conclure, propose l’instructrice, on peut se demander comment ce croissant s’est retrouvé dans notre assiette ; penser au boulanger qui tôt ce matin a pétri la pâte, façonné les croissants, les a mis au four… Auparavant, imaginer la livraison du beurre, de la farine en provenance d’une usine… Au-delà, visualiser le champ de blé baigné de soleil, l’agriculteur qui y a travaillé… Prendre conscience de toutes ces énergies humaines qui participent à l’élaboration de notre nourriture suscite un sentiment de gratitude, qui donne du sens à notre assiette… »
La pleine conscience en pratique
- Au self de la cantine ou devant le menu d’un restaurant, interroger, pour chaque plat proposé, sa « faim du corps » (de quoi a-t-il besoin ?) et sa « faim du cœur » (de quoi ai-je envie ?). Et trouver un compromis entre les deux, par exemple le poisson pour les cellules, et le fondant au chocolat pour le « cœur »…
- Lors d’un repas, on peut se contenter de déguster les 3 premières bouchées en pleine conscience, en interrogeant ses faims, ses sensations. Et réévaluer sa faim globale en milieu et fin de repas.
- S’il est possible de concilier pleine conscience et convivialité, de faire la passerelle entre son assiette, ses sensations, et la conversation, l’alimentation consciente est incompatible avec les écrans…